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L'ARCTIQUE À TITRE DE PAYS
by Piers Vitebsky
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L'AVENIR: L'INTERNATIONALISATION DE L'ARCTIQUE
Conclusion
  Avec les années 1990, l'intérêt porté à l'Arctique s'est accru sans relâche et ce, non seulement dans les pays limitrophes au Grand Nord mais ailleurs. Il existe plusieurs raisons pour cela.
  Tout d'abord, les scientifiques commencent à réaliser l'importance de l'Arctique dans leur compréhension du réchauffement de la planète; un problème auquel est confrontée l'humanité toute entière. S'il s'avérait vrai que la température de la terre se réchauffe constamment, les scientifiques croient que le phénomène s'observera plus facilement par la fonte graduelle de la glace dans l'Arctique.
  Une autre raison est que la libéralisation de la Russie a permis d'ouvrir une grande partie de l'Arctique, autrefois hermétiquement fermée. Une toute nouvelle région se dessine dans les domaines de la recherche internationale, de la diplomatie et du commerce. Au lieu de voir les missiles nucléaires américains et soviétiques se faire face de part et d'autre du Pôle Nord, les deux pays peuvent maintenant consacrer leurs efforts à résoudre des problèmes techniques pour faire de l'Océan Arctique une région de navigation internationale. Dans un important discours prononcé à Mourmansk en 1987, M. Gorbatchev suggéra que les nations arctiques s'unissent afin créer de créer une zone non nucléaire, de créer un plan commun pour l'utilisation des ressources naturelles et de protéger l'environnement, tout comme de garantir les droits des Premières Nations. L'atmosphère de cette coopération internationale, a t il déclaré, devrait "être déterminé, à l'exemple du Gulf Stream, par la chaleur du développement européen et non par un esprit froid de suspicions et de préjudices accumulés."
  Aucun grand plan international ne peut cependant réussir sans tenir compte des besoins et des désirs des populations locales proprement dites. La subordination des peuples autochtones à des intérêts extérieurs depuis trois siècles a conduit à une scission sociale sévère, souvent liée à des problèmes de dépression, d'alcoolisme et de mort prématurée. Depuis les trois dernières décennies, les groupes aborigènes ont entrepris des batailles juridiques pour obtenir la gestion de leur terre. Ils insistent du mieux qu'ils peuvent afin d'obtenir des redevances sur l'exploitation minière, une protection contre la pollution afin de préserver la santé de leurs enfants, l'obtention d'écoles où la langue d'enseignement serait la leur et sur le maintien de leur droit de chasse.
  Les plus petites communautés autochtones qui vivent à l'intérieur de grands pays industrialisés estiment qu'elles vivent dans une sorte de "quatrième monde." Ce terme, qui évoque la pauvreté des pays tropicaux qui forment le 'tiers monde,' cherche à souligner l'état d'impuissance dans laquelle se trouvent les autochtones. Ils ont commencé à former des groupes réunissant les plus petites nations autochtones afin d'accroître leur force et leur pouvoir de négociation. Les autochtones de la Vallée du Mackenzie, au Canada, se sont alliés durant les années 1970 pour former la nation Dené. Plusieurs de ces mouvements vont au delà des frontières entre les pays. Dans les années 1980, les Saamis de Norvège, de Suède et de Finlande se sont unis pour former le Parlement saami. Une division du peuple Inuit, appelée Yuit en Alaska et en Sibérie, avait été séparée par une frontières hermétique depuis la Seconde Guerre mondiale. On leur a finalement permis de se visiter les uns les autres en 1988. Jusqu'alors, les adolescents yuits de Sibérie ne parlaient que le russe, langue du cinéma, des magazines et des discos. Ils considéraient le langage de leurs parents et grands parents comme étant démodé et provincial. Lorsque la première délégation de Yuits américains arrivèrent en Sibérie, les aînés du groupe sibérien purent converser couramment avec eux alors que les jeunes étaient incapables de s'adresser directement à eux. Ils réalisèrent alors que, contrairement au russe, la langue de leurs parents était internationale. Lorsque l'école débuta, l'automne suivant, les cours de langue locale devinrent vite les plus populaires !
  L'organisation sans doute la plus importante de ce 'quatrième monde' est la Conférence circumpolaire inuit (CCI) qui réunit 100 000 Inuits répartis entre l'Alaska, le Canada, le Groenland et la Russie. Cette organisation, fondée en 1977, s'est depuis transformée en un organisme de lutte pour la promotion des droits des Inuits et qui s'assure que leur voix est entendue lors des prises de décisions qui les affectent. Leurs politiques couvrent un grand nombre de questions, de la gestion de la faune sauvage à titre de ressource renouvelable à leur propre campagne afin de faire de l'Arctique une zone non nucléaire. Les Inuits savent que les régions côtières de l'Arctique vont demeurer la terre natale de leurs petits enfants et qu'ils ne peuvent faire confiance à personne d'autre pour s'assurer que cet environnement soit géré convenablement. Leur approche de l'environnement est de ne pas l'empoisonner comme le ferait la société industrielle, pas plus que de le cantonner à une fonction de réserve naturelle comme le voudraient certains environnementalistes. Les Inuits souhaitent plutôt préserver la région comme un endroit habitable que les humains de bon savoir pourront garder.
  Dans le monde moderne, l'Arctique se présente comme un défi particulier pour l'humanité. Un environnement ardu, de grandes distances et l'éloignement des capitales nationales, dans le sud, engendrent tous un besoin particulier de compréhension et de politiques adaptées. Un système équitable doit impliquer les droits de propriété et d'exploitation de la terre, des rivières, des lacs, des mers, des forêts et des autres ressources naturelles. Qui a le droit de déterminer les mines et sites de pêche à être exploités ? Tout dépend de la façon dont les populations locales peuvent être impliquées dans les processus décisionnels et comment les conflits d'opinion peuvent être résolus. La clé de cette approche est de renforcer la représentation des gouvernements locaux. Cela peut être accompli via les conseils de bande, comme celui des Inupiats qui régit la North Slope Borough, en Alaska et qui reçoit une part des revenus générés par l'exploitation des gisements de pétrole sur leur terre. Cela peut aussi être accompli via la création, le renforcement ou la séparation de territoires, comme la création du tout nouveau territoire du Nunavut, au Canada, où le peuple Inuit constitue la majorité de la population. Enfin, on peut prendre exemple sur la république sibérienne du Sakhaia, où les Sakhas, malgré que le tiers d'un million d'entre eux soient dépassés en nombre à raison de deux pour un par les arrivants russes, conservent une grande influence dans le gouvernement.
  Les problèmes particuliers de l'Arctique viennent du fait que son environnement est à la fois difficile et fragile. Il faut travailler fort pour y vivre et du coup, il est si facile de lui infliger des torts par simple négligence. La densité de population est faible et les distances énormes. Le défi, dans ces conditions, est de créer et maintenir un cadre de vie qui soit bon pour les humains tout en combinant le meilleur des mondes traditionnel et moderne en un seul et unique mode de vie. Bien entendu, les gens souhaitent obtenir de meilleurs revenus et plus de confort en plus d'un meilleur système de santé et de contrôles plus strictes de la pollution. L'obtention de tout cela repose sur les demandes des populations locales pour un plus grand degré de responsabilité dans la gestion de leur destinée; ce qui se traduit par l'obtention d'une plus grande autonomie gouvernementale.
  Ce type de gestion locale est cependant intimement lié à des questions d'ordres nationales et internationales. Les besoins des grandes villes du sud ont un impact direct sur les communautés du Nord, leurs chasseurs et leurs éleveurs de rennes. En raison de leurs besoins de pétrole, de bois et d'autres matériaux bruts, les besoins des grandes villes modifient l'environnement physique des gens du Grand Nord. Les citoyens du Sud influencent aussi leur mentalité via les programmes scolaires, la télévision et toutes les tentations de la culture de consommation. Les gens du Grand Nord, en retour, doivent savoir répondre à tout cela puisqu'ils ne peuvent l'éviter. Ils répondent parfois avec apathie, désespoir et, du reste, le taux de suicide chez les citoyens du Grand Nord est en tristement élevé. Le succès d'organisations telle le CCI et la toute nouvelle Association russe des peuples autochtones démontre que les gens du Grand Nord savent se tenir.
  Comme ailleurs dans le monde, les Inuits, les Évènes et les autres peuples nordiques de cette planète souhaitent vivre une vie tout aussi remplie que satisfaisante. Ce souhait, ils le formulent non seulement au présent mais veulent en faire un héritage afin que leurs enfants puissent aussi connaître une bonne qualitée de vie sur la terre de leurs ancêtres. Les points de vue traditionnels, quant à la relation entre les humains et les animaux, sont de plus en plus perçus comme le modèle d'un bel avenir offert à chacun. Le monde s'éloigne doucement de l'esprit de conquête de la nature pour se rapprocher plutôt d'un partenariat avec la nature.
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The Arctic is a Homeland, by Piers Vitebsky. http://www.thearctic.is
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